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Par Parthenia le 4 Septembre 2020 à 15:03
uand Johnny avait révélé à sa petite-amie sa décision de partir, il n'avait jamais envisagé qu'elle l'accompagne, mais Ophélie l'avait tellement harcelé qu'il avait fini par s'incliner, la mort dans l'âme. Il n'avait jamais voulu l'entraîner dans cette histoire et craignait que sa tante ne la fasse rechercher, compromettant ses chances de disparaître.
Autre difficulté : son employeur lui avait expliqué par mail que Forgotten Hollow avait la particularité de ne figurer sur aucune carte et qu'il devrait prendre un billet de bus jusqu'à la halte de la Pierre-aux-Loups, située à cinq kilomètre du village, et à plus de 800 km de Zarbville. Il lui avait donné les cordonnées géographiques de ce fameux endroit accompagnées d'un plan pour rejoindre le hameau.
Ophélie et Johnny étaient partis de chez eux un beau matin, à l'heure d'aller au lycée, et s'étaient rejoints à la gare routière, encombrés seulement de leur sac à dos où ils n'avaient entassé que le strict minimum. Il se passerait au moins dix à douze heures avant que l'on ne se rende compte de leur disparition, ce qui leur laissait amplement le temps de mettre une distance respectable entre eux et Zarbville.
A la gare routière, Johnny avait utilisé ses pouvoirs alien pour effacer de la mémoire du guichetier et du chauffeur de car le souvenir de leur rencontre, et celle de chaque Sim qui les avait approchés d'un peu trop près. Puis ils s'étaient installés au fond du car, chamboulés malgré tout de laisser derrière eux leur famille et leurs amis sans leur avoir dit adieu.
Le car s'arrêta le soir dans un motel-restaurant de Newcrest où tous les voyageurs purent commander un repas chaud. Ils avaient parcouru plus de la moitié du chemin.
Johnny et Ophélie s'installèrent à une table à l'écart.
« Ca va ? Tu ne regrettes pas de m'avoir suivi ?
— Jamais ! Tant que je suis avec toi, je serai toujours heureuse... »
Ils s'enlacèrent amoureusement.
Le chauffeur fit encore deux pauses café avant de s'arrêter à 2h30 du matin à la halte de la Pierre-aux-Loups, perdue à flanc de montagne et seulement éclairée par les rayons de la lune.
Johnny éleva son portable en l'air.
« C'est bien notre veine, il n'y a pas de réseau ici... »
Ophélie vit avec regret le car s'éloigner ; elle eût juré voir une petite vieille faire le signe de la croix en posant sur eux un regard empli de pitié.
Johnny revenait vers elle.
« Qu'allons-nous faire ?
— Passer la nuit sur ce banc. Ce serait trop dangereux de tenter de rejoindre de nuit Forgotten Hollow avec ce chemin escarpé que l'on ne connaît pas. Peut-être M. Shagal viendra-t-il nous chercher ? »
Ophélie se lova contre son petit-ami, les oreilles aux aguets. Le vent bruissait dans la forêt qui semblait palpiter de mille vies invisibles. Le craquement des végétaux, le vol des insectes et des rapaces, le rampement des bêtes... Sans la présence rassurante de Johnny qui lui avait promis de rester éveillé, elle n'aurait jamais réussi à s'endormir.
Mais elle se réveilla en sursaut deux heures plus tard, alertée par des hurlements qui ressemblaient... à ceux d'un loup ! Elle lança un regard effrayé à Johnny.
« Calme-toi ! Tu sais, les loups craignent davantage les hommes que le contraire !
— Et c'est censé me rassurer ? Donc, toi aussi, tu penses que c'est un loup ?
— En même temps, le nom de cet arrêt d'autobus parle de lui-même...
— Comment arrives-tu à garder ton sang-froid ?
— Le jour va bientôt se lever...
— Oui, dans une heure !
— Je t'assure que tu n'as rien à craindre... »
Le ton paisible de son petit-ami finit par rasséréner Ophélie qui se serra contre lui. Contrairement à ses craintes, l'heure fila relativement vite et elle fut surprise de la pression qu'exerça Johnny sur son bras pour la faire lever.
Son petit-ami sortit la carte détaillée que M. Shagal lui avait envoyée et prit la direction d'une pente raide qui s'enfonçait à quelques centaines de mètres dans les ombres denses de la forêt. Les derniers rayons de lune perçaient à travers le brouillard, rendant encore plus lugubre la route sur laquelle ils cheminaient. Mais ce sentiment d'oppression s'accentua sous le couvert des bois. Ophélie ne pouvait se défaire de l'impression d'être épiée, comme si la forêt possédait mille paires d'yeux braqués sur eux.
A l'abri des frondaisons, Johnny avait repris son apparence alien. Ophélie pouvait voir ses oreilles pointues pivoter de temps en temps, en état d'alerte, guettant le moindre bruit suspect. En tout cas, il semblait trouver son chemin avec aisance, comme s'il avait parfaitement mémorisé la carte. Elle avait surtout l'impression que les branches des arbres s'écartaient d'elles-mêmes, comme pour leur indiquer la voie, et elle se dit que l'étrangeté des lieux commençait par peser sur son imagination.Enfin, au bout de deux heures de marche, ils débouchèrent sur une clairière menant à un antique pont de bois. Un épais brouillard finissait de s'effilocher offrant à leur regard le hameau en contrebas.
Encore quelques dizaines de mètres et ils seraient bientôt arrivés...
Un homme vêtu d'une veste en tweed marron vint à leur rencontre.
« Bienvenue à Forgotten Hollow ! », leur sourit-il en leur tendant la main.
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