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L'écriture de la prochaine maj consacrée à Morgyn a bien avancé malgré le fait que je sois pour l'instant presque entièrement occupée sur mon autre histoire Donne-moi l'argent. J'ai l'intention de faire une pause à la fin de la 1ère partie sur Célian pour me replonger dans mon histoire de vampire set de sorciers.
Je vous propose, en attendant, de lire un passage de ma prochaine maj...
Extrait du prochain chapitre :"Je veux être un Sage !"
[Siméon parle ] : « Je ne sais toujours pas pourquoi il m'a avoué tout cela. Il doit pourtant savoir que nous collectons chaque information sur eux pour découvrir leur identité humaine... Nous savions déjà que Maldoror se faisait appeler Mircea de Mănești au XVe siècle et qu'il se faisait passer pour un voïvode roumain. Mais nos annales s'arrêtent là le concernant. (...). »
Siméon avait ouvert le Codex Dæmonum au chapitre consacré à Maldoror de Melmoth et à ses différentes identités au fil des siècles, informations souvent glanées au prix du sacrifice de nombreux nécromanciens.
(...)
J'étais fasciné par le récit de Siméon qui ne m'avait pas dégoûté de devenir un nécromancien, bien au contraire, même si je n'étais plus sûr de vouloir appliquer mon plan initial au pied de la lettre. Cependant, je me dis qu'il devait bien exister des vampires prêts à accepter la paix et à neutraliser le féroce Maldoror de Melmoth ?
Je regardai rêveusement le seul portrait ancien que nous possédions de lui : sa grosse moustache ne le mettait guère en valeur mais je pouvais sentir l'aura tout à la fois malfaisante et ensorcelante qui se dégageait de lui. »
Note : le portrait a encore quelques défauts que je n'aurai peut-être pas le courage de corriger.
Avez-vous deviner quel portrait original j'ai utilisé pour ce photomontage ? Il appartient à un sulfureux personnage historique... ;)
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Je suis en train de retoucher certaines images du chapitre 6 du Bal de minuit. Il manquait au-dessus de la cheminée un cadre pour habiller le mur...
Voici ce que cela donne :
Portrait en entier
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e restais pétrifié quelques minutes encore, ne sachant quel comportement adopter. La curiosité me poussait à me rapprocher de ce portail magique mais la peur de commettre une bévue irréparable – à ajouter à ma longue liste de bêtises - m'en dissuada et je courrai aussi vite que possible chercher ma grand-mère. Mami fut obligée de me faire répéter plusieurs fois ce que j'avais vu tant l'excitation précipitait mes mots, rendant mes propos inintelligibles. Elle eut l'air dubitative quand elle comprit.
« Es-tu sûr qu'il s'agit d'un portail magique ?
— Oui, Mami.
— Es-tu sûr de l'avoir vraiment vu ?
— Oui, Mami. »
Puis je la pressai de me suivre à l'endroit en question, l'étourdissant de mon bavardage surexcité. Est-ce que des hordes de Wraiths et de Goa'ulds belliqueux allaient surgir de ce portail pour envahir la Terre et nous asservir ? Connaissait-elle un sort assez puissant pour en bloquer le passage ? Mami se déplaçait avec une telle lenteur que j'aurais aimé à cet instant connaître un sort de téléportation.
Enfin on arriva.
Mami resta muette quelques secondes, une expression de profonde stupeur étalée sur le visage.
« Et donc, Morgyn, tu vois ce portail ?
— Mais oui, Mami, c'est ce que je n'arrête pas de te dire depuis tout à l'heure. Ca a l'air de t'étonner ! »
Ma grand-mère s'agenouilla pour mettre son regard à hauteur du mien.
« Tu n'es pas censé voir ce portail, Morgyn. Pas encore. Normalement, il n'apparaît aux jeunes sorciers qu'au moment de la puberté. Je crois que la magie est très puissante chez toi...
— Est-ce que... c'est dangereux pour moi ?
— La magie est toujours dangereuse, Morgyn... Mais elle l'est bien plus chez un enfant qui n'a pas encore appris à gérer ses frustrations... Viens, traversons ce portail, et peut-être aurons-nous des réponses à nos questions. »
Je tirai sur sa main pour l'en empêcher, soudain effrayé.
« Je... je ne pense pas que ce soit une bonne idée que je t'accompagne, Mami. Tu l'as dit, le portail n'apparaît normalement qu'à l'adolescence. Nous n'aurons qu'à revenir ici à ce moment-là, d'accord ?
— Je t'assure que tu ne crains rien, Morgyn. Si le portail t'est apparu, c'est qu'il t'autorise le passage... »
Je hochai finalement la tête pour lui signifier mon accord.
Je ne ressentais rien au passage du portail. Ni douleur ni … rien !
Par contre, je fus saisi par l'émerveillement le plus intense quand je découvris le lieu féerique où nous avions été transportés.
Imaginez une ville partiellement détruite éparpillée sur quatre rochers flottant dans un vide abyssal, le tout auréolé d'un camaïeu de lumières pourpre et indigo. Je fis un tour sur moi-même pour admirer le point de vue, le son cristallin d'une cascade me parvenant aux oreilles par intermittence.
« Dis, Mami, pourquoi y-a-t-il autant de pierres en l'air ? On a l'impression qu'il y a eu une explosion...
— Ce sont les vampires qui ont attaqué cet endroit ne laissant que ruines, et seule la magie réunie des trois Sages permet de maintenir cet univers en équilibre.
— Les vampires ? Peuvent-ils revenir nous faire du mal ?
— Plus maintenant, mon chaton. Les trois Sages, chargés de protéger cet endroit, ont lancé un sort puissant sur les portails neutralisant les pouvoirs maléfiques des vampires. Tant que les Sages resteront à leur poste, ces viles créatures ne pourront plus venir ici.
— Et pourquoi nous ont-ils attaqués ?
— Pour s'emparer de nos savoirs , Morgyn. Le prince des vampires, le comte Straud, cherche avec rage et passion une potion lui permettant de vaincre sa malédiction. Il pensait, à tort, trouver le remède à ses maux ici. Les sorciers se sont vaillamment défendus mais les pertes furent sévères de notre côté. En ce temps-là, les vampires avaient atteint le sommet de leur puissance.
— En ce temps-là ? C'était il y a longtemps ?
— Oh oui, très longtemps... Il y a 700 ans... »
Ce chiffre me donna le tournis.
« Attends, Mami, tu veux dire que le Prince des vampires a aujourd'hui plus de 700 ans ? »
Je n'arrivais pas à imaginer un être aussi vieux. Ce fameux prince des vampires devait désormais ressembler à une vieille momie toute desséchée. Beurk !
« Nous ne savons pas l'âge réel de Straud, mais il est sûrement beaucoup plus vieux. Nous ne connaissons déjà pas son véritable nom...Car vois-tu, Morgyn, les vampires nous cachent leur nom d'humain pour ne pas nous donner un pouvoir de mort sur eux. Un sorcier initié à la magie nécromantique a le pouvoir de les détruire en connaissant leur nom de baptême.
— Cela est déjà arrivé, Mami, qu'un nécromancien tue un vampire de cette façon ?
— Oui, mais seulement avec les vampires les plus jeunes dont l'histoire humaine n'est pas assez ancienne pour être efficacement cachée. Viens maintenant, je vais te présenter l'un des trois Sages... »
Cette histoire sur les vampires m'avait fasciné, et je suivis ma grand-mère d'un pas enthousiaste, curieux d'en découvrir davantage sur eux. En face de nous se tenait une impressionnante forteresse, surplombant un étang dans lequel se reflétaient ses nombreuses tours. L'intérieur était aussi impressionnant que l'extérieur, avec ses hauts plafonds, ses torches enflammées fixées aux murs y projetant des ombres mouvantes. Mami semblait connaître son chemin car elle m'entraîna sans hésiter une seule fois à travers couloirs et escaliers jusqu'à l'avant-dernier étage où se trouvait le bureau du Sage Simeon Silversweater, comme me l'apprit ma grand-mère. C'était le Sage de la magie pratique, dans laquelle elle s'était elle-même spécialisée en son temps.
Un homme très vieux (âgé d'au moins trente ans !), mais plus jeune que ma grand-mère, nous accueillit. Il dégageait une telle prestance que je restais presque figé sur place, mon regard ne pouvant quitter la cicatrice qui lui barrait le visage sans toutefois arriver à l'enlaidir.
« Je t'attendais, Morgyn ! »
Je sursautai à l'accent profond de sa voix.
« Vous m'attendiez ? Vous... vous voulez dire que vous saviez que j'allais venir ? », bégayai-je, hypnotisé par l'incroyable couleur bleu lagon de ses yeux qui semblaient vouloir vous transpercer jusqu'à l'âme pour en tirer tous ses secrets...
« C'est effectivement ce que j'ai voulu dire, Morgyn. Approche donc, mon jeune ami, c'est la première fois que je vois un enfant arriver dans le monde magique. »
Profondément impressionné , je m'avançai vers lui tel un automate. Il posa la main sur ma tête, puis eut l'air de se concentrer sans pour autant quitter son sourire.
Quand il rouvrit les yeux je m'attendais à une révélation fracassante mais il se contenta de répéter les paroles que Mami avaient eues pour moi devant le portail magique.
« La magie est très puissante chez toi, Morgyn... Vraiment très puissante ! Où en es-tu dans ton apprentissage ? Dis-moi, combien de sorts et de potions connais-tu ?
— Il commence tout juste son apprentissage, Grand Sage, intervint alors Mami. Son père a toujours été... réticent à ce que sa mère lui enseigne la magie...
— Voilà qui est très fâcheux... Morgyn, veux-tu me laisser un instant avec ta grand-mère ? Tu n'auras qu'à nous attendre dans la bibliothèque juste à côté, tu verras, il y a des livres très intéressants, je suis sûr que tu vas trouver de quoi t'occuper... Nous faisons le plus vite possible, promis !»
J'aurais peut-être dû me sentir inquiet de cette mise à l'écart mais je me réjouissais au contraire de cette occasion qui me permettait de farfouiller en toute tranquillité à la recherche de livres sur les vampires. J'avais bien compris que les suceurs de sang constituaient un sujet brûlant en ces lieux et je fus soulagé de constater que la bibliothèque était déserte à cette heure. Je ne sais pas si ce fut le fruit du hasard ou si une force occulte m'attira vers ce rayonnage-là en particulier mais le premier livre que je pris était un très ancien ouvrage traitant de la vie des plus illustres représentants des vampires ! Je posais le précieux manuscrit intitulé Codex daemonum sur un pupitre et commençais à tourner les pages en vélin. L'écriture était difficilement déchiffrable, aussi je me focalisais sur les illustrations dont l'une attira plus particulièrement mon attention : une femme condamnée au bûcher pour sorcellerie. L'image était tragique et je cherchai à déchiffrer le texte à côté. J'étais tellement happé par ma lecture que je n'avais pas entendu les deux adultes approcher.
« Je vois que tu as trouvé de quoi t'instruire sur nos ennemis », retentit la voix grave de Simeon.
Puis, il posa le doigt sur l'illustration représentant l'exécution de la sorcière.
« Walpurga von Kronach , m'apprit-il.
— Une sorcière, c'est ça ?
— Non pas vraiment, une femelle vampire...
— Comment ça ? M'écriai-je, soufflé par cette révélation.
— Veux-tu entendre la tragique histoire d'amour entre un sorcier et une stryge, Morgyn ?
— Oh oui !
— Alors, viens, installons-nous plus confortablement. »
Je le suivis jusqu'à un sofa. Ma grand-mère se posta juste derrière nous.
« Cela se passait à la fin du XVIème siècle, en Allemagne, au point de départ des persécutions contre ceux de notre race. Johannes Hildebrand était un très puissant sorcier. Il avait déjà été impliqué à seize ans dans un procès, en 1562, et arrêté sur dénonciation, mais il avait été relaxé. C'était des temps troublés, des temps de guerres, de querelles religieuses, d'épidémies et de sévères averses de grêles qui détruisaient les récoltes. On cherchait des boucs-émissaires à tous ces malheurs. Alors on commença à blâmer les guérisseuses, on les tortura, on leur fit avouer des crimes imaginaires et on les poussa à dénoncer d'autres personnes. Johannes, après avoir été blanchi, quitta la région du Bade-Wurtemberg mais où qu'il aille, la même histoire se répétait, encore et encore. La chasse aux sorcières ne semblait jamais devoir connaître de fin. Un jour de l'an de grâce 1581, à nouveau poursuivi par l'Inquisition, il trouva refuge dans le château de la comtesse Walpurga von Kronach sans savoir que c'était une ennemie. Contre toute attente, cette vampire le sauva des griffes de l'Inquisition en cachant sa présence grâce à ses pouvoirs. Puis, elle lui proposa de reprendre des forces chez elle aussi longtemps qu'il en aurait besoin. Pourquoi Johannes fit-il confiance à ce monstre femelle jusqu'à en tomber amoureux ? Nul ne le saura jamais. Toujours est-il qu'un enfant naquit de cette union contre-nature. Doublement contre-nature puisque les vampires sont censés être stériles. Johannes avait-il réussi à trouver un remède contre la stérilité des vampires ? Contre le vampirisme ? Ce mystère n'a jamais été élucidé, le magicien ayant emporté son secret avec lui dans la tombe. Mais la relation de Walpurga avec un sorcier fut vécue comme une trahison par le prince des vampires qui la dénonça comme sorcière auprès de l'Inquisition. Et elle fut brûlée sur un bûcher. Vlad n'avait pas hésité à faire tuer un de ses plus fidèles lieutenants, celui qui avait été le plus redoutable lors de l'attaque contre notre forteresse quatre siècles plus tôt, plutôt que de la voir lui échapper pour un autre. Tu vois, Morgyn, les vampires sont indignes de confiance et impitoyables, même entre eux. Ils ont sciemment renié toute bonté et tout sentiment humain ! Bien fou serait celui qui se fierait à eux...»
Un long silence suivit cette tirade. Je me sentais encore tellement habité par le récit de cette tragédie que je ne pensais pas à poser à Simeon toutes les questions qui se bousculaient dans ma tête. Puis, Mami me saisit la main pour me ramener à la maison.
« Rentrons, mon chaton, nous devons parler de ton avenir et prendre une décision... »
Personnellement, j'avais déjà pris ma décision : je deviendrai un nécromancien, le plus puissant et le plus redouté de tous les nécromanciens ! Tout un plan venait de s'élaborer dans mon esprit. J'approcherai les vampires non pas pour les exterminer mais pour leur proposer de vivre en paix. Walpurga von Kronach ne pouvait pas avoir aimé ni être morte pour rien... Oh non alors ! Mais je n'étais en ce temps-là qu'un enfant naïf et idéaliste, ignorant des dures réalités du monde...
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phélie n'arrivait pas à dormir. Ce n'était pas seulement à cause des bruits du dehors – le hululement de la chouette, le hurlement d'un loup solitaire, le battement d'ailes des chauve-souris rasant le toit de la soupente – mais aussi à cause de l'excitation mêlée d'appréhension liée à son nouvel emploi. Personne ne savait encore qu'elle allait travailler pour Caleb Vatore, le voisin que M. Shagal ne portait apparemment pas dans son cœur. Elle aurait aimé en parler avec Johnny, recueillir son approbation, mais son petit-ami était rentré peu avant le couvre-feu et, après une douche rapide puis le repas pris en commun durant lequel elle ne s'était pas senti libre de parler, il s'était écroulé sur son lit, épuisé par sa première journée de travail. Il avait juste eu la force de l'aider à rapprocher leurs deux lits.
Ophélie se souleva sur un coude, contempla la forme allongée à ses côtés, que les rayons de la lune éclairaient de sa lueur blafarde. Depuis leur fugue, tout lui semblait étrange et languissant. L'atmosphère onirique de Forgotten Hollow, l'attitude énigmatique de ses habitants, jusqu'à ces sensations qu'elle éprouvait de moments vécus ici dans une autre vie...
Elle ne s'endormit qu'à l'aube et n'entendit pas Johnny se lever. Quand elle se réveilla plusieurs heures plus tard, des bruits de vaisselle qui s'entrechoquaient lui parvinrent de la cuisine. C'était Automne qui débarrassait la table des reliefs du midi.
« Je vous ai laissé une assiette au chaud.
— Merci beaucoup, Automne. »
Après manger, elle passa un peu de temps avec son hôtesse, gênée de lui cacher son rendez-vous de 15 heures avec les Vatore. Après tout, elle n'était pas sûre d'être retenue pour le poste de garde-malade, et il lui serait toujours temps de tout révéler à Automne une fois l'affaire conclue. Mais elle craignait que cette petite cachotterie ne vienne ternir leurs relations. D'ailleurs, Automne fut déçue quand elle comprit que la jeune Zarbvilloise allait l'abandonner un après-midi entier, et Ophélie dut lui promettre de tout lui raconter dans les moindres détails le lendemain.
Ce fut le cœur battant qu'elle frappa à la porte du manoir des Vatore. Caleb vint lui ouvrir en personne, et, la reconnaissant, lui offrit son étrange sourire clos. A nouveau, la jeune fille fut saisie par la beauté préraphaélique de ses traits. Ce jour d'hui, il était vêtu d'un élégant costume avec gilet, et ses cheveux étaient noués sur la nuque en un lâche chignon un peu flou.
« Je suis très heureux que vous soyez venue. Je vous avoue que j'avais un peu peur que vous ne décliniez finalement mon invitation... »
Une voix féminine cria de l'intérieur :
« Caleb, ne me fais pas languir plus avant et fais entrer notre invitée !
— Depuis que je lui ai parlé de vous, ma sœur a grand hâte de vous rencontrer, lui expliqua le jeune homme. Surtout, essayez de ne pas changer d'expression quand vous la verrez, la maladie l'a beaucoup affectée physiquement... »
Ophélie tenta de camoufler le mieux qu'elle put l'appréhension que ces mots provoquaient en elle mais n'en suivit pas moins avec détermination son hôte jusque dans le salon.
Une jeune femme, à la beauté exsangue, était nonchalamment allongée sur un canapé de velours vert. Elle était revêtue d'une longue robe d'époque édouardienne , et ses longs cheveux ailes de corbeau cascadaient librement dans son dos, faisant ressortir la pâleur diaphane de sa peau. De larges cernes noires mangeaient son visage, et quand Ophélie s'approcha, sur un geste d'invitation de son hôtesse, elle put discerner le réseau de fines veines mauves qui parsemait ses mains et son visage.
« Vous me plaisez déjà beaucoup, Ophélie. Oh, comme j'aime votre prénom...
Et le poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys. » *Ophélie regarda la jeune malade, les yeux écarquillés de surprise. Elle ne savait comment réagir à cette étrange entrée en matière, privée de mots. Ce fut Caleb qui vint à sa rescousse :
« Arthur Rimbaud, lui apprit-il. Très grand poète mais très mauvais garçon. Absolument infréquentable. Malgré tout, il était tellement beau qu'il a fait tourner la tête d'hommes respectablement rangés.
— Ca vous reprend, sourit Ophélie, voilà que vous donnez à nouveau des détails très vivants sur des gens morts il y a longtemps. Lui aussi est mort en 1890 ?
— Presque. 1891, amputé de la jambe droite à Marseille. Il avait à peine trente-sept ans...
— Vous dites cela avec une telle tristesse... comme si vous l'aviez personnellement connu ! »
Caleb lui adressa un sourire empreint de mélancolie.
« C'est l'un de mes poètes favoris. Voyez-vous, mademoiselle, pour moi, la poésie est comme une musique de l'âme et la sienne me touche particulièrement... Alors oui, je me sens très proche de lui. C'est comme si un lien invisible nous unissait l'un à l'autre à travers les siècles... N'avez-vous jamais ressenti cela ? »
Ophélie repensa à l'arrogant aristocrate que la chanson d'Automne avait fait naître dans ses rêveries, et à la troublante sensation de l'avoir connu sans l'avoir jamais rencontré.
« Oui, je crois comprendre ce que vous essayez de me dire...
— Voyons, Caleb, intervint Lilith, qui se sentait délaissée. Est-ce pour moi que tu as engagé Ophélie ou pour toi ? »
Caleb regarda à tour de rôle les deux jeunes fille avec une confusion feinte.
« Je crois que ma sœur me trouve trop bavard, déclara-t-il à l'intention d'Ophélie. De toutes manières, je ne peux m'attarder, je suis attendu à mon travail. Je vous laisse donc entre filles. Faites connaissance, et à mon retour, nous verrons si Ophélie accepte de passer ses après-midis à te supporter, Lilith. Je pense rentrer avant 19h00 mais si je déborde, attendez-moi et je vous raccompagnerai chez M. Shagal... Les rues ne sont plus sûres à cette heure !»
Ophélie et Mlle Vatore se retrouvèrent seules. La jeune fille attendait les instructions de la jeune malade mais rien ne vint. Lilith la regardait avec une sorte de dévotion émerveillée qui lui serra le cœur. Elle se décida à prendre les devants.
« Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Votre frère m'a dit que je pourrais vous faire la lecture... Voulez-vous que je vous lise quelque chose ?
— Très bonne idée !
— Vous avez une envie en particulier ? Une lecture en cours ?
— Oui. Le livre se trouve sur ma table de chevet, je vais vous le chercher. »
Lilith se leva avant de se rasseoir brutalement, prise d'un étourdissement.
« Je peux le faire à votre place si vous voulez ? »
Suivant les indications de son hôtesse, Ophélie trouva rapidement la chambre de la jeune fille où des piles de livres à la facture très ancienne s'empilaient. Celui qu'elle cherchait se trouvait effectivement sur la table de chevet. Les Envoûtés de Witold Gombrowicz.
Alors qu'elle se dirigeait vers l'escalier, elle avisa à l'autre bout du couloir une porte entrouverte. Dévorée par la curiosité, elle s'en approcha, en franchit le seuil. Elle se retrouva dans la chambre qu'elle devina appartenir à Caleb. Un pot-pourri dans une coupelle d'argent diffusait des fragrances de chèvrefeuille, de cannelle et d'iris.
Comme dans la chambre de la sœur dont elle avait l'aspect usé, la pièce était imprégnée d'un air de mélancolie incurable. La visiteuse s'en sentit comme pénétrée. Elle avait l'impression de s'être faufilée dans un mausolée oublié des humains avec tous ces objets d'un autre temps. Tableaux anciens. Luth. Astrolabe. Lunette astronomique. Elle s'approcha du secrétaire, remarqua des feuillets remplis d'une écriture élégante, pleine de boucles et de fioritures, mais dont la langue lui était inconnue. **
« Vous cherchez quelque chose ? retentit la voix de Caleb tout près de sa nuque.
— Je... je... j'ai cru entendre du bruit, tenta-t-elle de se justifier, les joues rouges de honte.
— Sûrement le vent dans la cheminée. Ah ces vieilles baraques qui craquent de partout... », se moqua le jeune homme montrant par ces mots qu'il n'était pas dupe de son mensonge.
Puis il rassembla les papiers sur le secrétaire avant de les enfouir dans sa sacoche.
« Vous... vous êtes professeur ?
— Oui... enseignant vacataire... doctorant avec un statut d'étudiant pour être plus précis...
— Ah... Et vous enseignez quoi ?
— L'histoire... je suis spécialisé dans la Renaissance italienne. Sinon, comment trouvez-vous ma chambre ? termina-t-il malicieusement.
— Euh... On se croirait dans la boutique d'un antiquaire. Cette... euh... guitare, c'est juste pour la décoration ou vous savez en jouer ?
— C’est un luth », lui expliqua Caleb en saisissant l'instrument sur lequel il fit courir ses doigts pour en tirer quelques accords.
Avisant le regard plein d'attente de la jeune fille, Caleb céda à sa prière muette. Sa voix s'éleva, empreinte d'une telle douceur qu'Ophélie se sentit touchée en plein cœur comme si un son céleste atteignait son âme. Sans même connaître le sens des mots, elle en ressentait de façon intime l'émotion sous-jacente, accentuée par l'accompagnement tout en délicatesse du luth.
Mille regretz de vous habandonner,
Et deslongiers vostre fache amoureuse,
Jay si grant doeul et paine doloreuse,
Quon my verra brief mes jours definer. ***La fin de la chanson fut suivie par un grand silence dans lequel Ophélie se réfugia pour mieux prolonger l’écoute et garder cet abandon, cette impression d'une expérience humaine pure, mélange puissant de mélancolie et de félicité.
Ce fut Caleb qui brisa le charme en premier :
« Désolé mais je vais devoir vous quitter ou je vais vraiment finir par être en retard... »
Le lendemain, Ophélie trouva Lilith dans une position moins avachie que la veille. La jeune malade tapota la place à côté d'elle pour inviter la jeune Zarbvilloise à s'asseoir à ses côtés. Il sembla à Ophélie que les cernes noires qui lui mangeaient les joues s'étaient quelque peu estompés.
Lilith emprisonna ses mains entre les siennes qui étaient glacées.
« Je suis tellement heureuse de vous voir de retour. La journée d'hier a été si merveilleuse et votre présence si motivante...Cela faisait longtemps je ne m'étais pas sentie aussi bien, aussi heureuse. J'ai pourtant conscience que mes occupations ne sont guère enthousiasmantes et bien trop sérieuses pour une jeune fille aussi vive que vous, mais ma maladie me cantonne malheureusement à l'intérieur de cette maison. J'aurais tant aimé me promener avec vous pour vous faire découvrir Forgotten Hollow... »
Ophélie protesta et Lilith s'abandonna contre le dossier du canapé, rassurée par les paroles de la jeune fille.
Les journées passèrent, paisibles et routinières.
Ophélie s'attachait de plus en plus à Lilith. Il arrivait parfois que les occupations de Caleb le retiennent au manoir et qu'il leur consacre un peu de son précieux temps. Ophélie était touchée par la prévenance inquiète dont il entourait sa sœur, à laquelle semblait le lier une profonde complicité.
La santé de Lilith s'améliorait de jour en jour. Ses cernes avaient complètement disparu et les veines mauves qui marbraient ses mains et son visage s'étaient estompées. Par contre, Ophélie se sentait de plus en plus fatiguée comme si sa force vitale passait progressivement de son corps à celui de Lilith.
Un soir, Ophélie fut sujette à un mal de tête plus violent que les autres. Après avoir pris un cachet, elle monta se coucher sans dîner. Les migraines avaient commencé quelques jours après sa prise de fonction chez les Vatore, et ne la quittaient désormais plus, gagnant au contraire en intensité. Elle en avait conclu que le climat particulier de Forgotten Hollow avec cette absence presque continuelle de soleil ne lui valait guère, elle qui était habituée au soleil brûlant de Zarbville, mais espérait qu'avec un peu de temps, elle finirait par s'y accoutumer.
Le noir complet de la chambre lui fit du bien et elle réussit à s'endormir, non sans avoir avoir posé une compresse d'eau froide sur son front.
Elle s'agita, quand, de manière incongrue, Caleb Vatore s'invita dans son sommeil.
Ophélie rêvait. Elle rêvait de son employeur, de son magnifique visage au profil de médaille, de ses attentions enveloppantes. Jamais il ne lui était apparu aussi attirant. Un trouble aussi délicieux qu'inattendu l'envahit quand il s'approcha d'elle, lui susurra des mots doux à l'oreille. Son cou se ploya pour accueillir la caresse de ses lèvres. Frémissements de plaisir sous la langue fureteuse traçant un sillon humide du lobe de son oreille à la lisière de sa gorge. Souffrance aiguë à la sensation d'une piqûre. Sa chair fut parcourue par un frisson brûlant. Elle se sentait détachée de son propre corps. La douleur se retira sans tout à fait disparaître.
Son regard chavira, aperçut la tête de Lilith penchée sur son poignet. Deuxième pic de souffrance. Mais elle n'avait pas envie de bouger, de se soustraire à ces morsures. Elle sentait son corps flotter agréablement, soumis à ces vagues successives de plaisir et de douleur mêlées qui gagnaient en vivacité. Elle saignait. Elle devinait le sang couler le long de son cou et de son poignet mais elle s'abandonna entièrement aux bouches qui se nourrissaient d'elles avidement. Puis elle perçut la présence d'une troisième personne, avertie par un picotement désagréable dans la nuque et les poils de ses bras qui se hérissèrent. Elle pouvait sentir son aura malfaisante, qu'une odeur de chair en putréfaction avait précédée. Son estomac se retourna. Elle tenta de le débusquer du regard qui finit par rencontrer deux yeux rouge sang.
Des yeux fauves de prédateur brillant d'une telle cruauté qu'elle s'arracha à la double étreinte sensuelle de Caleb et Lilith.
Ophélie se mit à hurler dans son lit, à hurler d'angoisse, telle une forcenée, comme si la mort tentait de l'étreindre et de l'étouffer de son souffle glacé...
* extrait d'Ophélie, poème écrit en 1870 par Rimbaud (1854-1891)
** extrait de la Divine Comédie - Chant III - L'Enfer de Dante (1265-1321)*** Chanson franco-flamande de la Renaissance dont la version musicale la plus célèbre est celle de Josquin des Prés (v. 1450-1521).
En français moderne :
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